FAUSTIN EHOUMAN

Marchés de Côte d’Ivoire: Construits pour brûler ?

Chaque année, une demi dizaine de marchés en moyenne enregistrent au moins une demi-dizaine un incendie, et des milliers de commerçants perdent tout. Et quand on les reconstruit, ils brûlent de nouveau. Notre dossier.

 

Magasins calcinés, stocks de marchandises détruits, fonds de commerce perdus, recommencement pénible voire impossible… Les incendies de marchés font des ravages en Côte d’Ivoire, causant de gros préjudices aux commerçants qui ont parfois du mal à tourner la page. Rien que cette année, on en a déjà dénombré une dizaine à travers le pays. A force de répétition, le fléau ne suscite presque plus d’émotion. Le dernier incendie en date, celui du grand marché de Yamoussoukro, le 11 septembre 2022, lui, est carrément passé sous silence. Comme s’il ne s’était rien passé.

La principale cause de ces incendies, selon les rapports des enquêtes, est le court-circuit électrique. Cela est su de tous. Pourtant, le phénomène continue sa progression destructrice, simplement parce que les leçons ne sont pas tirées. En effet, dans bien des marchés à travers le pays, formels comme informels, les facteurs de ces courts-circuits identifiés suites aux enquêtes post-incendies, à savoir les branchements sauvages et l’installation anarchique des commerçants, sont toujours aussi présents. Ceux que nous avons visités ces derniers jours attestent bien cela.

 

Branchements sauvages

L’une des zones à haut risque d’incendie au marché Belle-ville à Treichville.

Au marché de Belle-ville à Treichville, où nous étions le 20 septembre 2022, tous les ingrédients sont réunis pour qu’un court-circuit se déclenche à tout moment et entraine un gros incendie. Des branchements électriques sauvages ça et là, des centaines de commerçants installés anarchiquement et une forte présence de matériaux inflammables et d’activités à risque dans plusieurs compartiments.

Ce marché de détail couvert fait donc partie de ces infrastructures qui courent un risque d’incendie, bien qu’ayant déjà connu les flammes à deux reprises. Aux quatre coins de ce marché, les mauvais branchements sont bien visibles. Des fils électriques pendent çà et là, trainent à même le sol ou sur les toits et les fenêtres des magasins. Les niches des compteurs électriques, quant à elles, sont encombrées. Elles sont en nombre insuffisant pour la forte population de commerçants qui opèrent sur place.

« Nous avons fait des demandes à la Cie (Compagnie ivoirienne d’électricité, Ndlr) pour que de nouvelles niches soient construites, mais nos demandes n’ont jusque-là pas été satisfaites. Or, le marché s’est fortement étendu et de nouveaux compartiments ont été construits. En temps normal, chaque bâtiment doit avoir sa niche afin de faciliter les branchements. » Explique Vincent Lago, l’un des responsables du marché qui nous l’a fait visiter.

Ouvert en 1988, le marché de Belle-ville a été conçu pour abriter au maximum 2000 commerçants. Mais il en compte plus du double aujourd’hui. Environ 5000 commerçants, pense Vincent Lago. De nouveaux bâtiment sont été construits à la hâte tout autour pour satisfaire la demande croissante d’espace commercial. Puisque c’est toujours insuffisant, certains commerçants se sont installés dans des échoppes de fortune et sur des étals. Ils se débrouillent comme ils peuvent pour avoir de l’électricité. Faute d’une niche de compteurs à côté, les nouveaux arrivants sont obligés de se brancher laborieusement sur d’autres commerçants plus ou moins éloignés d’eux ou sur les habitations à l’entour.

« Nous luttons au quotidien contre ces branchements sauvages et les installations désordonnées des commerçants. Récemment, la mairie a dû procéder à la destruction d’un lot de maisons jouxtant dangereusement le marché du côté nord, mais il y a encore des maisons de l’autre côté au sud qui fournissent illégalement l’électricité aux commerçants. Et ça, c’est très dangereux. Quand la source du courant d’un commerçant est à l’intérieur du marché, il est plus facile d’intervenir en cas d’un départ de feu dans un magasin. Mais quand l’électricité est fournie depuis une source lointaine, la tâche devient alors très compliquée quand il y a un court-circuit. Et très souvent, cela aboutit à des incendies. »Déplore notre guide.

Même si les quatre bouches d’incendie du marché sont encore fonctionnelles, les couloirs d’évacuation, eux, n’arrivent plus à jouer convenablement leur rôle. Ils sont tous obstrués par des commerçants qui jonchent l’espace créant un grand désordre. En outre, les types de commerce semblent ne pas être maîtrisés sur le marché. En effet, on y trouve presque tous types d’activités, même celles nécessitant l’utilisation du feu, comme des vendeurs d’aliments confectionnés sur place et des salons de coiffure. Sur le flan Est, les fabricants de bâches dominent. Leur activité est pourtant porteuse de risques d’incendie à cause des propriétés inflammables du matériau utilisé. Toute chose qui nourrit une crainte chez les responsables du marché.

« Si un incendie venait à se déclarer dans cette zone-là, les conséquences seraient lourdes. Car les bâches sont très inflammables. Tout le marché pourrait partir en fumée. Pour parer à cette éventualité, nous exigeons à leurs fabricants ainsi qu’à tous les autres commerçants qui exercent une activité à risque d’avoir un extincteur. Nous les formons à son utilisation, et exerçons une pression sur ceux qui n’en sont pas encore équipés à l’être. » Assure Vincent Lago.

Ce marché dont une grande partie avait brûlé en 2009, a encore connu un incendie au mois d’avril 2022, précisément dans le compartiment friperie, emportant cinq magasins et tout leur contenu.

 

Manque d’équipement

 

S’il est un marché qui est réputé pour les incendies en Côte d’Ivoire, c’est bien celui de la ville de Yamoussoukro, capitale politique et administrative. Il a brûlé à une dizaine de reprises dont quatre fois cette année. Il détient ainsi le record des incendies de marchés en Côte d’Ivoire. C’est d’ailleurs le dernier marché en date ayant enregistré un incendie cette année. C’était le 11 septembre 2022. Nous l’avons visité le 16 septembre. Sur place, nous avons compris pourquoi il y a autant d’incendies.

En effet, c’est un marché saturé qui ne dispose d’aucun équipement de lutte contre les incendies. Presque tous les branchements sont anarchiques, les compteurs et les niches largement insuffisants. Les deux seules bouches incendies sont dysfonctionnels occupées par des commerçants. A l’intérieur du marché de 2,5 hectares, les allées de passage sont très resserrées, n’atteignant pas un mètre de largeur. Tout est condensé en un seul bloc. Aucun système d’aération. Pis, il n’y a pas de couloir d’évacuation en cas de sinistre, ce qui rend la tâche davantage difficile aux sapeurs-pompiers quand il y a un incendie.

 

Selon Né Danhambo, directeur technique à la mairie de Yamoussoukro, ce marché situé au quartier Habitat, n’a jamais été conçu encore moins construit avant que les commerçants ne s’y installent. Au départ, il s’agissait d’un espace à ciel ouvert que le Président Félix Houphouët-Boigny avait dégagé pour accueillir son homologue malien, Modibo Kéita, qui effectuait une visite d’État en Côte d’Ivoire. C’était en 1967. Après cet événement, l’espace est resté inoccupé pendant quelques années, et les commerçants en quête d’espace pour mener leurs activités ont commencé à l’occuper progressivement jusqu’à en faire un marché à partir de 1974. Et depuis, ce marché n’a pas bénéficié de véritables investissements de la part de la municipalité qui évoque la faiblesse de son budget. Chaque jour, les commerçants attendent le prochain incendie, avec la peur au ventre.

« Est-ce que ça sera notre compartiment qui brûlera la prochaine fois ? Je n’ose même pas y penser. Que Dieu nous en garde. J’ai confiance en lui, je ne serai jamais touchée », essaie de positiver Madaleine Yao, vendeuse de vivriers. A en croire le responsable local de la Fédération nationale des acteurs du commerce en Côte d’Ivoire (Fenacci), Ismaël Doumbia, à chaque incendie, ce sont des dizaines de millions de FCfa qui partent en fumée. Si l’incendie du 11 septembre n’avait brûlé qu’une boutique et un hangar au milieu du marché impactant 14 commerçants, celui du 31 janvier 2022 avait quant à lui été beaucoup plus dévastateur. Une dizaine de grands magasins avaient totalement brûlé, faisant plus de 200 millions de FCfa de perte, selon Ismaël Doumbia.

« La mairie n’a certes pas assez de moyens, comme elle le dit, mais elle prélève les taxes chaque jour ici. Il faut utiliser une partie de cet argent pour entretenir notre marché afin qu’on puisse travailler dans la sérénité. Il faut que les autorités municipales assument bien leurs responsabilités vis-à-vis de nous », suggère-t-il.

 

Surpopulation, désordre

 

Au marché de Yopougon-Sicogi, les maisons se confondent aux échoppes des commerçants

Le marché de Yopougon-Sicogi est aussi un marché guetté par un incendie, bien qu’il ait déjà brûlé à deux reprises. Dans ce marché, il est difficile de distinguer l’espace commercial des habitations autour. Les commerçants ont occupé tout l’espace, au point qu’on ne retrouve même plus la voie publique qui le traverse. Les commerces sont fournis en électricité par les habitations à travers des câbles électriques vétustes. Le seul hangar est en ruine.Tous les signaux sont au rouge dans ce marché. Ses occupants et les usagers le savent.

« Il y a vraiment quelque chose à faire dans ce marché. Nous sommes en danger, mais je n’ai d’autre choix que de venir vendre, sinon mes enfants ne mangeront pas », dit  Chantal Touré qui y exerce depuis deux ans. Une de ses clientes tire la sonnette d’alarme : « Il faut que de l’ordre soit établi ici, sinon on sait qu’on va tous brûler dans ce marché un jour. Que les autorités n’attendent pas qu’il y ait un sinistre avant d’agir ».

Les risques pour les populations riveraines sont encore plus grands. « On en est conscient, mais on va faire comment ? J’habite dans cette maison depuis mon enfance. Nous sommes propriétaires et on ne sait où aller. Le marché a brûlé à deux reprises en ma présence. Tout est réuni pour qu’il y ait une troisième fois. Je n’arrive plus à bien dormir, car j’ai peur », s’inquiète Déborah Koffi.

Si la plupart des incendies de marchés ne font pas de morts, les dégâts matériels, eux, sont importants et s’évaluent à des dizaines de millions de FCfa à chaque sinistre. L’Union des villes et communes de Côte d’Ivoire (Uvicoci) estime les pertes à plus de 20 milliards de FCfa chaque année. Des chiffres que confirme la Fédération nationale des acteurs du commerce de Côte d’Ivoire (Fenacci). La nécessité de construire des marchés modernes en impliquant davantage les commerçants dans la conception et la réalisation, et pour les commerçants de souscrire à des assurances semble être un dossier majeur, tout autant qu’une vaste politique de sensibilisation à un plus grand civisme des occupants des marchés.

FAUSTIN EHOUMAN


Une centaine de marchés brûlés depuis 1987

Chaque année, plusieurs marchés en Côte d’Ivoire enregistrent au moins un incendie

Grand marché d’Abobo (2017) ; Black Market d’Adjamé (2017) ; Grand marché de Korhogo (2015) ; Grand marché de Gagnoa (2016) ; Marché du Plateau (2001) ; Grand marché de Man (1997) ; Grand marché de San Pedro (1999) ; Marché d’Abengourou (2013) etc. De 1987 à 2017, 66 marchés à travers le pays ont connu un incendie, selon le rapport officiel sur les incendies de marchés en Côte d’Ivoire. Il n’a pas encore été actualisé, mais si l’on s’en tient aux statistiques fournies par l’Uvicoci indiquant qu’en moyenne six marchés brûlent chaque année, on se retrouve à une centaine de marchés brûlés de 1987 à ce jour. Et ce sont plus de 65 000 commerçants qui ont été sinistrés par ces incendies. Par marché brûlé, il faut entendre un marché qui a connu un incendie. Il y en a qui ont brûlé complètement comme le grand marché de Bouaké en 1998, mais pour la plupart, il s’agit d’une partie. Avec ses 14 cas enregistrés sur différents marchés, Adjamé est la commune qui a connu le plus d’incendies de marchés en Côte d’Ivoire.

 

Plus de 20 milliards de F Cfa de pertes chaque année

 

La plupart de ces incendies, notons-le, font peu de victimes en vie humaine, mais les dégâts matériels et financiers sont énormes pour les personnes affectées, en majorité des commerçants du secteur informel, évidemment non couvert par une assurance. Entre 20 et 25 milliards de F Cfa. C’est l’estimation des pertes liées aux incendies de marchés en Côte d’Ivoire, selon l’Uvicoci. Il s’agit d’une estimation à minima, souligne Dr Elvis Azié, coordonnateur des projets à l’Uvicoci.  « Ces pertes sont évaluées en termes de coût de l’ouvrage détruit et des produits perdus, mais aussi en numéraires puisque certains commerçants laissent leur argent dans leurs magasins. Elles tiennent compte aussi des incidences sur les commerçants. Et tout ça, ce sont des estimations de premier niveau », précise-t-il. Et d’ajouter : « ces pertes ne concernent pas les manques à gagner causés aux collectivités. En effet, l’économie de la circonscription prend un coup, aussi minime soit-il, quand il y a un incendie dans un marché. Car le marché est la zone taxée et les taxes constituent les fonds propres de la commune ».

 

350 milliards de F Cfa pour arrêter l’hémorragie

 

Face à la récurrence donc des incendies et leurs conséquences dévastatrices, des états généraux des marchés en Côte d’Ivoire s’étaient tenus, du 16 au 18 décembre 2020, à Grand-Bassam. Plusieurs recommandations avaient été faites par les commerçants, les premiers perdants quand il y a un incendie.

Relativement à la nécessité de remettre à niveau des infrastructures de marché, les états généraux avaient proposé la mise en place d’un plan d’urgence pour la construction et la réhabilitation des marchés incendiés ou vétustes sur l’ensemble du territoire national. Le coût de l’opération a été évalué à 350 milliards de F Cfa. Ce plan d’urgence devrait aussi favoriser la relance du réseau des marchés d’intérêt national avec la construction de 11 marchés de gros et 39 marchés relais.

 

Ces incendies, une manne ?

 

L’hypothèse la plus systématiquement avancée à propos des incendies de marchés est le court-circuit accidentel. Mais, certains voient des mains cachées derrière ces sinistres, invoquant l’action cachée d’un lobby de l’immobilier. « Quand il y a un projet ambitieux de construction de marché sur un site et pour lequel il faut délocaliser les commerçants, très souvent on les oblige à partir en créant des incendies qui touchent partiellement ou totalement le marché. C’est une pratique qui est courante en Afrique », explique Fabrice Kouassi, un criminologue.

 

D’autres ne manquent pas de souligner que ces incendies sont autant de nouveaux projets sur lesquels les Etats sollicitent les bailleurs de fonds. « Si on prend l’exemple de Bouaké, ce sont 40 milliards de F Cfa que la France met dans la reconstruction d’un nouveau marché d’une superficie de neuf hectares pouvant accueillir jusqu’à 8 000 commerçants. Ce financement ne serait jamais venu si le marché n’avait pas brûlé », analyse le sociologue Abou Sylla.

 

Jamais d’enquête aboutie

 

Ce qui alimente les doutes, c’est le fait que les enquêtes post-incendie pour en trouver l’origine n’aboutissement jamais. C’est ce que déplore la Fenacci qui a fait de ce point l’une des recommandations majeures des états généraux des marchés. Le Conseil fédéral des commerçants de Côte d’Ivoire (Cfc-CI) fait partie de ceux qui ont des doutes sur l’origine des incendies. « Nous sommes tous curieux de savoir ce qui se passe exactement. Les courts circuits accidentels sont à tort ou à raison évoqués, mais on entend parler aussi de sabotage. Il faut qu’on ait des réponses claires et que les responsabilités soient situées », exige Lamine Ouattara, président du Cfc-CI.

« Pour mettre un terme aux incendies de marchés, des enquêtes diligentées par le procureurs de la République et des syndicats des commerçants doivent être menées pour en déterminer les origines, situer les responsabilités et prendre des sanctions », suggère-t-il.

 

Pourquoi pas un Code des marchés ?

 

Les états généraux s’étaient clos sur d’autres propositions comme l’adoption d’un code des marchés et d’une autorité de contrôle et de développement des marchés. Les documents finaux de ces assises n’ont pas encore été rendus publics.

F. EHOUMAN


Le difficile recommencement

Viviane Kouakou, vendeuse de vivrier au grand marché de Yamoussoukro, a tout perdu dans le dernier incendie du marché.

Ce n’est pas toujours évident pour un commerçant de se relever après avoir subi un incendie. Les 14 commerçants qui ont été victimes de l’incendie du 11 septembre 2022 au grand marché de Yamoussoukro sont encore dans le désarroi. La plupart d’entre eux étaient installés sur des étals et seulement un dans un magasin.

« Ce n’est pas du tout facile pour moi. Cela fait quatre jours que je ne dors pas bien, tellement j’ai été affectée par l’incendie. Puisque nous ne sommes pas assurés, aucun parmi nous n’a été dédommagé. Nos fournisseurs nous ont fait des prêts pour nous relancer. Mais comme vous pouvez le constater, nous n’avons pas encore repris, nous sommes en train de reconstruire nos étals », se désole Viviane Kouakou, vendeuse de vivriers.

Ibrahim Gbané, victime de l’incendie du 24 mars 2022 qui a frappé la zone des friperies du marché de Belle-ville à Treichville, a failli être sur le carreau comme ses quatre voisins. Un de ses pairs lui a donné un petit espace dans son magasin pour qu’il continue de travailler, le temps que la reconstruction des magasins détruits soit achevée.

« Sans son aide, je me demande comment j’allais faire pour honorer mes commandes en cours, puisque j’ai tout perdu. Mes machines et tout le reste du matériel sont partis en fumée. Rien n’a pu être sauvé. Avec l’appui de l’entreprise de gestion du marché, nos magasins sont en train d’être reconstruits. Bientôt, je vais regagner mon magasin et travailler pour rembourser mes dettes », explique-t-il.

Karidjatou Guiti, commerçante au grand marché de Yamoussoukro, est une victime d’incendie qui tente de se relancer.

Rembourser les dettes à la reprise. C’est dans cette situation que la plupart des commerçants sinistrés par un incendie se retrouvent. C’est le cas de Karidjatou Guiti, sinistrée de l’incendie du 31 janvier 2022 au grand marché de Yamoussoukro. Vendeuse en gros et demi-gros de produits alimentaires, son magasin avait complètement brûlé, lui causant une perte évaluée à 70 millions de FCfa. Les dix grands magasins qui avaient été touchés ont été reconstruits avec l’aide de la représentation locale de la Fenacci. « On nous sensibilise à faire assurer nos marchandises, mais les compagnies d’assurance ne veulent pas le faire à cause des conditions dans lesquelles nous sommes installés. Et donc quand il y a un incendie, seuls nous faisons face à notre destin. Notre organisation a fait ce qu’elle peut, le gouvernement aussi nous a exprimé sa compassion, mais ça reste largement insuffisant », regrette-t-elle.

 

Les solutions des commerçants

 

Les commerçants, à travers leur faîtière, la Fenacci, pensent que s’ils sont associés à la construction des marchés, cela réduirait les risques d’incendie, arguant que la plupart des promoteurs à qui les mairies confient la construction des marchés ne sont pas bien outillés en la matière. « Les mairies ont la latitude de choisir le promoteur qu’elles veulent et c’est là le problème. Car ces promoteurs, pour la plupart, ne sont pas du domaine et donc ne s’y connaissent pas vraiment. Nous devons être associés à la construction ou la reconstruction des marchés, car nous maîtrisons mieux notre secteur que ces promoteurs. Ça doit être notre affaire à nous », tranche Farikou Soumahoro, président de la Fenacci. Et de suggérer : « il faut un décret faisant des commerçants des membres d’office dans les décisions de construction, mais aussi dans l’exploitation des marchés parce que ça aussi c’est une autre paire de manche ».

En Côte d’Ivoire, l’Etat s’est désengagé de la construction et la gestion des marchés, laissant le soin aux collectivités de le faire. Elles les construisent elles-mêmes ou le font à travers des partenariats avec des privés, des coopératives ou des organisations de commerçants. Et la plupart des marchés construits ne répondent pas aux normes sécuritaires, environnementales et sanitaires. L’exploitation pose aussi problème.

 

Rendre obligatoire l’assurance des marchés

 

Parmi les questions que l’on se pose après chaque incendie, figure en bonne place celle de l’assurance des biens et des personnes. Obligatoire en théorie, cette assurance est cependant rarement souscrite par les commerçants, comme le reconnaît Farikou Soumahoro. La solution qu’il prône en la matière est la création d’une structure qui prendra en compte les incendies auprès des compagnies d’assurance.

« Il faut rendre obligatoire l’assurance des marchés. Parce que quand un marché brûle, ce sont des milliers de commerçants qui se retrouvent à la rue. Or, si le marché est assuré, il va être reconstruit assez rapidement pour permettre aux commerçants de reprendre leurs activités. Cela dit, il faut aussi qu’individuellement, chaque commerçant assure son chiffre d’affaires », préconise Farikou Soumahoro.

Farikou Soumahoro, président de la Fédération nationale des acteurs du commerce de Côte d’Ivoire (Fenacci)

A l’en croire, aucun marché en Côte d’Ivoire n’est assuré. Pour lui, l’assurance des marchés doit être obligatoire comme ça l’est pour les véhicules. « Nous avons proposé tout ça au cours des états généraux et on attend jusque-là la réaction du gouvernement. C’est une question que nous allons soulever bientôt dans le cadre de notre lutte contre la vie chère », dit-il.

 

Sortir le secteur de l’informel

 

La solution palliative à la question de l’assurance des commerçants proposée par la Fenacciest en cours de mise en œuvre. Il s’agit de la Carte professionnelle de commerçant qui aboutira bientôt à la mise en place d’un fonds de garantie et d’une maison d’assurance pour les commerçants (la Mutuelle des commerçants).« Les petits commerçants ne voient pas l’intérêt d’assurer leurs activités. D’abord, ils ont de faibles revenus, ensuite, le dédommagement en Côte d’Ivoire est encore problématique. La carte professionnelle de commerçant vient régler ce problème et contribue à sortir notre secteur de l’informel, qui explique en grande partie les maux auxquels nous sommes confrontés », explique Farikou Soumahoro. A l’en croire, plus de 300 000 commerçants ont déjà adhéré à cette carte qui, au final, pourra aider à la constitution d’une base de données réelle des commerçants en Côte d’Ivoire.

 

Equipement des marchés

 

Dernier axe des propositions de la Fenacci dans le cadre de la lutte contre les incendies de marché : l’équipement. En effet, pour la faitière des commerçants, il doit avoir en permanence un démembrement des sapeurs-pompiers dans les marchés, « quitte à ce qu’on forme des commerçants ou des bénévoles qui resteront dans les marchés de jour comme de nuit. Car, il faut le souligner, les incendies ont lieu le plus souvent la nuit, quand les commerçants sont rentrés chez eux », explique Farikou Soumahoro. Enfin, souligne-t-il, il faut une décision gouvernementale qui impose à chaque commerçant sur un marché d’avoir un extincteur.

F.EHOUMAN


Après des études de géographie à l’Université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan et des diplômes en musique et communication obtenus à l’Institut national supérieur des arts et de l’action culturelle (Insaac)Faustin Ehouman décide finalement de bâtir une carrière de journaliste, ce métier qui l’a toujours passionné[…]

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