173 milliards de F Cfa pour transformer Abobo
Avec toutes ces infrastructures qui sortent de terre, l’image d’Abobo se dépoussière petit à petit. Ses habitants affichent de plus en plus leur fierté d’y résider. Ces deux dernières années, c’est une véritable course contre la montre pour rattraper son retard infrastructurel. D’Anador à Pk 18 en passant par Avocatier, Agbékoi, Belle-ville et Bokabo, presque tous les secteurs d’Abobo sont concernés par les travaux. Notre tournée dans la commune nous a permis de nous en rendre compte. Routes, écoles, éclairage public, eau potable, assainissement, sécurité… des milliards de F Cfa sont investis par le gouvernement et les autorités locales pour transformer et moderniser la commune au bénéfice de son million et demi d’habitants. On parle de 173 milliards de F Cfa débloqués seulement pour Abobo dans le cadre du plan Ado élaboré par l’ancien Premier ministre, feu Amadou Gon Coulibaly. Son successeur, feu Hamed Bakayoko, par ailleurs ex-maire d’Abobo, a commencé, fin 2019, à mettre en œuvre ce plan avant son décès. Sa mort en cours de mandat, le 10 mars 2021, a failli plonger la commune dans l’incertitude, mais les choses sont reparties de plus belle avec la reprise en main de tous les dossiers par la nouvelle maire, Kandia Camara, élue à l’unanimité des conseillers municipaux en juillet 2021. Aujourd’hui, l’impact des travaux est déjà bien perceptible.
Le Street art pour polir l’image de la commune
Aux côtés du gouvernement, des autorités municipales, du secteur privé et du monde associatif, les artistes d’Abobo s’échinent eux-aussi à dédiaboliser la commune au travers de leurs œuvres. Si de belles chansons comme ‘’Fier d’être Abobolais’’ du chanteur Poséidon sorti il y a un peu plus de deux ans magnifient la cité et vantent les qualités de ses habitants, les œuvres des Street artistes expriment encore mieux le besoin d’améliorer l’image de la commune.
Symboles de cette volonté de renaissance, les fresques colorées des artistes Obou et Albertoqui accompagnent le visiteur, de même que les nouveaux slogans de la commune peints sur nombre de ses murs : ‘’Abobo ê zo’’ ; ‘’Abobo est belle’’ ; ‘’Abobo la joie’’. On en voit aujourd’hui un peu partout sur les grands murs de la commune, aux ronds-points du Banco et de la mairie ou sur la route du zoo.
Précisons que la réalisation de ces fresques murales s’inscrit dans un projet municipal lancé fin 2020 par feu le maire Hamed Bakayoko qui, dans son ambition d’améliorer l’image d’Abobo et sensibiliser la jeunesse à la non-violence, a recruté les peintres Obou et Alberto et certains étudiants de l’école des Beaux-arts d’Abidjan pour les réaliser. Le musée d’Abobo (Mucat) s’est aussi invité à cette démarche en organisant dans la foulée, de juillet à octobre 2021, une exposition sur la même thématique.
Et tout ça pour faire oublier les étiquettes du passé. Car des superlatifs négatifs, Abobo en a connu. En 1976, le tube ‘’Gbaka’’ de Daouda le Sentimental chante les deux communes pauvres d’Abidjan : ‘’Abobo-la-guerre’’ et ‘’Yopougon-la-bagarre’’. Aux affrontements entre groupes rivaux, dans les années 1990, succède la partition du pays dès 2002. Puis, lorsque la crise post-électorale éclate, Abobo est baptisée ‘’Bagdad’’ en référence à la capitale déstabilisée de l’Irak en guerre, puisque la commune était le terrain de guerre entre le « commando invisible » et l’armée loyaliste, pro-Gbagbo. Les affrontements font des centaines de victimes.
FAUSTIN EHOUMAN
Résultat d’une volonté politique
La métamorphose qu’Abobo est en train de connaitre, disons-le tout net, est le résultat d’une ferme volonté politique. Fin 2017, l’Etat a fait du développement de la commune une de ses priorités en débloquant près de 180 milliards de F Cfa dans le cadre du plan d’urgence dénommé plan Ado. L’actuelle maire n’est autre que la ministre d’Etat Kandia Camara élue à l’unanimité par les conseillers municipaux en juillet 2021, suite au décès en cours de mandat de son prédécesseur Hamed Bakayoko, le 10 mars 2021.
En 2018, celui qu’on surnommait affectueusement Hambak avait succédé à AdamaToungara à la mairie d’Abobo et accéléré les grands travaux. L’éclairage public a été installé dans les quartiers les plus précaires, pour faire baisser la criminalité. Cela dit, la délinquance liée à la précarité n’a pas totalement disparu, notamment dans certains sous-quartiers comme Pk 18 ou Sagbé communément appelé Derrière Rails.
Cité dortoir, la commune d’Abobo a une superficie de 90 Km² et s’est structurée autour de la gare ferroviaire de l’axe Abidjan-Ouagadougou, où s’installèrent dans les années 1970 les populations du Nord ivoirien et celles venant des pays de l’hinterland principalement du Burkina Faso. Abobo reste encore aujourd’hui la porte d’entrée nord d’Abidjan, mais aussi sa zone de relégation, le refuge en quelque sorte des déguerpis des autres communes.
Dix ans après la crise post-électorale, Abobo est devenue un peu plus fréquentable. En mai 2021, la commune avait même été choisie par le Comité de normalisation de la Fédération ivoirienne de football (Fif) pour le lancement officiel du Tournoi panafricain interscolaire. Une cérémonie impensable il y a peu pour cette commune habituée aux superlatifs négatifs et qui avait rassemblé au Lycée moderne des membres du gotha mondial du ballon rond dont Gianni Infantino, président de la Fifa, Patrice Motsepe, président de la Confédération africaine de football (Cfa) et la légende ivoirienne Didier Drogba.
F. EHOUMAN