FAUSTIN EHOUMAN

Fabrice Irié Bi Irié (expert en SIG) : « Il est très risqué de scanner les QR Codes inconnus ou non sollicités »

Son usage se popularise en Côte d’Ivoire, mais on ne sait pas encore grand-chose sur le QR Code. Qu’est-ce qu’il comporte exactement ? Donne-t-on sans le savoir ses données personnelles en scannant un QR Code ? Quelles précautions à prendre dans l’utilisation de cet outil technologique ? Un expert en Système d’informations géographiques, Fabrice Irié Bi Irié, donne des éclairages.

 

Qu’est-ce qui se cache derrière ces symboles que l’on scanne tous les jours avec les smartphones ?

Le QR code ou quick response code, en français code à réponse rapide, est un code-barres à deux dimensions, ce qu’on appelle dans le jargon code-barres 2D. Cela signifie qu’il contient des informations à la fois horizontales et verticales. Pour ce faire, il est constitué de modules-carrés noirs à fond blanc. Et il est unique à chaque fois ; le QR code conventionnel possède trois petits carrés noirs au niveau de ses coins. Cela permet au scanner de reconnaître le sens dans lequel il faut lire le QR code. Sa montée en popularité s’explique par son adoption dans des secteurs variés comme le commerce, la banque et les services.

 

On imagine qu’il y a toute une histoire derrière cet outil technologique…

Oui, bien-sûr ! Pour la petite histoire, le QR Code a été créé en 1994 par MasahiroHara, un ingénieur japonais qui travaillait à DensoWave, une entreprise de production de pièces automobiles. Il avait pour mission de trouver un système pour optimiser l’identification et le déplacement des pièces détachées dans les usines en lieu et place des codes-barres qui stockaient peu de données. Par rapport au code-barres, l’invention du QR Code montrait de meilleures performances. Il peut contenir jusqu’à 4296 caractères alphanumériques, ce qui représente 200 fois plus de données que pour le code-barres ; il accepte un degré de dégradabilité de 30%. Même si un tiers du QR code est abîmé, il continue de fonctionner. L’inverse n’est pas vrai pour le code-barres, qui devient alors illisible ; le lecteur de QR code lit les infos dix fois plus vite que pour les codes-barres.

 

C’est donc un chemin rapide vers une source de données ?

Tout à fait ! Le QR Code est effectivement un chemin rapide vers des ressources numériques. Des pages web, des vidéos, des formulaires, etc. Il agit comme un pont direct entre le physique et le numérique.

 

Le QR Code sert aussi à faire des paiements. Est-ce que, dans ce cas, son utilisation est différente des autres ?

Le principe reste identique dans toutes les applications du QR Code ; il encode des informations spécifiques. Dans le cas des paiements, il contient des données bancaires ou des identifiants permettant d’effectuer des transactions. Sa sécurité dépend de la plateforme utilisée et de la vigilance des différentes parties. Sur certaines plateformes de mobile money, il est appliqué plusieurs couches de protection pour sécuriser l’utilisation des QR Codes dans les transactions. Entre autres, le chiffrement des données à savoir l’identifiant du compte et les détails du paiement, ce qui rend leur lecture illisible pour les outils non autorisés ; la validation des transactions, qui permet à l’utilisateur, après avoir scanné un QR Code, de vérifier les détails de la transaction (montant, destinataire) avant de confirmer avec son code Pin ; l’application sécurisée, qui limite les risques d’interception ou d’accès non autorisé ; les notifications instantanées et le verrouillage par PIN. En effet, toutes les transactions nécessitent un code Pin personnel, empêchant les paiements non autorisés même si quelqu’un accède à l’appareil.

 

Quels sont les risques auxquels peuvent être confrontés les utilisateurs des QR Codes ?

Les principaux risques auxquels sont confrontés les utilisateurs sont l’hameçonnage c’est-à-dire les scans redirigeant vers des sites malveillants ; la fraude financière ou le détournement des paiements ; et le vol d’informations consistant pour des QR Codes à collecter des données personnelles sans consentement.

 

Livre-t-on systématiquement ses données personnelles en scannant un QR Code ? Expose-t-on son compte bancaire, son compte mobile money ?

En scannant un QR Code, on ne donne pas directement ses données personnelles, mais un lien malveillant peut installer un logiciel espion. Et les paiements via QR Code peuvent être détournés.Les créateurs de QR Codes peuvent y intégrer des redirections frauduleuses, mais ils ne peuvent pas accéder directement à des données sensibles sans action supplémentaire de l’utilisateur.

 

Des cas d’arnaque sont signalésdans certains pays et même en Côte d’Ivoire. Comment arrive-t-on à ces situations ?

En fait, des fraudeurs remplacent des QR Codes officiels par des faux pour rediriger les utilisateurs vers des sites ou comptes frauduleux. Ce problème est observé dans plusieurs pays, y compris potentiellement en Côte d’Ivoire.

 

Ce ne sont donc pas tous les QR Code que l’on doit scanner…

Non ! Il est essentiel de vérifier la source et le contexte avant de scanner un QR Code. Il est risqué de scanner les QR Code inconnus ou non sollicités. Il faut tenir compte de l’environnement physique où ils sont affichés afin d’éviter les remplacements. Un QR Code inconnu ou non sollicité est potentiellement dangereux. Il est aussi conseillé d’utiliser une application de sécurité qui vérifie les liens des QR Codes.

 

Qui peut créer un QR Code ? Et pour quelle durée de vie ?

Les QR Codes sont générés par des logiciels accessibles à tous, souvent gratuits pour des usages simples. Pour des QR Codes avancés comme ceux servant à faire les paiements et les statistiques), les solutions peuvent être payantes. La durée de vie dépend de l’URL ou du contenu encodé.

 

A quelle place se situe la Côte d’Ivoire dans l’utilisation de cet outil par rapport aux autres pays du continent ?

La Côte d’Ivoire est en plein essor dans l’utilisation des QR codes, principalement grâce à leur intégration dans les solutions de paiement mobile et de la finance technologique. Bien que le pays ne dispose pas encore de données spécifiques sur son classement en Afrique pour l’utilisation des QR codes, il se distingue comme un leader en matière de paiements mobiles au sein de l’Union économique et monétaire ouest-africaine. Depuis 2021, la Banque centrale des États de l’Afrique de l’ouest a autorisé l’utilisation des QR codes pour des paiements interopérables, renforçant leur adoption dans les commerces et les services financiers en Côte d’Ivoire​.

 

Ils commencent à avoir un rôle essentiel…

Effectivement, les QR codes jouent un rôle crucial dans l’inclusion financière en Côte d’Ivoire, en particulier pour les personnes non bancarisées qui représentent un segment important de la population. Avec certaines initiatives dans le secteur du mobile money, et le cadre réglementaire mis en place grâce à la Bceao, la Côte d’Ivoire se positionne comme un acteur important en Afrique de l’Ouest dans ce domaine.

 

Aujourd’hui, ne pas utiliser de QR Code dans son business signifie-t-il être dépassé ?

Pas nécessairement. Mais, intégrer les QR Codes dans un business montre une modernisation et facilite l’accès numérique, ce qui est un avantage concurrentiel. N’oublions pas que le QR Code établit un pont direct entre le physique et le numérique.

 

Comment les Pme et les petites activités économiques peuvent en tirer un avantage dans leur processus de développement ?

Les Pme peuvent utiliser les QR Codes pour simplifier l’accès à leurs pages web ou à leurs articles en ligne et faciliter le paiement de leurs services. Elles peuvent s’en servir pour partager des informations commerciales telles que les cartes de visite et les catalogues) et collecter les retours des clients via des formulaires.

 

Le dispositif juridique ivoirien a-t-il prévu les dérives possibles avec cet outil ? Comment son usage est encadré ?

Les lois ivoiriennes en matière de cybercriminalité pourraient couvrir certaines dérives liées aux QR Codes. Cependant, un cadre spécifique à leur utilisation serait utile pour protéger les utilisateurs.

 

Avec sa popularisation progressive, quel avenir pour cette technologie en Côte d’Ivoire ?

Avec leur adoption croissante, les QR Codes pourraient devenir un outil incontournable pour le commerce, l’éducation, et même les services publics. Leur avenir dépendra de l’accessibilité technologique et de la sensibilisation des utilisateurs aux bonnes pratiques.

Interview réalisée par FAUSTIN EHOUMAN

Après des études de géographie à l’Université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan et des diplômes en musique et communication obtenus à l’Institut national supérieur des arts et de l’action culturelle (Insaac)Faustin Ehouman décide finalement de bâtir une carrière de journaliste, ce métier qui l’a toujours passionné[…]

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